Tout, tout, tout sur les Aciers !

 

 

Introduction

1. Constituants des aciers

2. Structure des aciers

3. Facteurs influençant la structure

4. Traitements thermiques des aciers

5. Propriétés des aciers. Leur expression

6. Défauts et maladies des aciers. Contrôle de qualité

7. Désignation des aciers

8. Aciers alliés

9. Aciers de construction

10. Aciers à outils

11. Aciers inoxydables

12. Aciers réfractaires

13. Aciers à aimants

 


 

L’acier est un alliage de fer et de carbone renfermant au maximum 2 p. 100 de ce dernier élément. Il peut contenir de petites quantités d’autres éléments incorporés, volontairement ou non, au cours de son élaboration. On peut également y ajouter des quantités plus importantes d’éléments d’alliage; il est considéré alors comme un acier allié . La teneur en carbone de certains de ces aciers alliés peut parfois dépasser 2 p. 100.

Contrairement à la fonte, qui contient plus de 2 p. 100 de carbone, l’acier est un métal ductile; il peut subir des changements de forme par compression ou extension à chaud ou à froid. Il est caractérisé, en outre, par une propriété fondamentale qui est la raison du développement considérable de ses emplois: il "prend la trempe", c’est-à-dire qu’il est susceptible d’acquérir une grande dureté lorsqu’il est chauffé à une température suffisamment élevée et refroidi à une vitesse assez grande. Cependant, cette propriété ne se rencontre pas dans certains aciers alliés, qui doivent leur utilisation à d’autres caractéristiques. L’acier peut durcir également sous l’effet d’autres traitements que la trempe, par exemple par écrouissage (travail mécanique à froid).

La possibilité d’attribuer aux aciers une gamme étendue de propriétés grâce à des traitements thermiques, thermomécaniques et mécaniques est à l’origine du très large éventail d’utilisations de ce métal. La quantité d’acier consommée par tête d’habitant a d’ailleurs pu être considérée comme l’indice du développement d’un pays, et l’on peut affirmer que l’industrie moderne a son origine, dès le milieu du XVIIIe siècle et surtout au XIXe siècle, dans la découverte des procédés de production massive de l’acier.

Les aciers ordinaires montrent des insuffisances qui limitent leurs utilisations et les rendent impropres à certains usages. Très souvent, la résistance aux sollicitations mécaniques est en cause; parfois, c’est l’attaque par des réactifs chimiques ou même simplement par l’atmosphère, lorsqu’elle est humide ou polluée. On a réussi à pallier ces inconvénients et à élargir les domaines d’emploi des aciers en ajoutant une certaine quantité de métaux ou d’éléments non métalliques. On obtient ainsi une importante gamme d’aciers alliés  répondant à des nécessités très diverses.

On désigne par aciers de construction  tous ceux qui sont utilisés dans la construction mécanique, c’est-à-dire pour la fabrication de machines, de structures et de moteurs, par exemple dans les industries automobile et aérospatiale. C’est essentiellement en raison de leur résistance mécanique que ces aciers sont choisis, et ce choix dépend à la fois de la dimension des pièces envisagées et des sollicitations auxquelles elles sont soumises.

L’outil a été probablement la première utilisation de l’acier. Il s’agissait alors de prolonger la main de l’homme pour la mise en œuvre des matériaux naturels. La construction de machines a conduit à la fabrication d’outillages de plus en plus compliqués et auxquels il était demandé des efforts de plus en plus grands; on a dû, pour cette raison, substituer dans beaucoup de cas des aciers spéciaux et alliés à l’acier ordinaire.

Un des défauts majeurs des aciers ordinaires est l’altération par l’action de l’atmosphère et, plus encore, par les divers produits au contact desquels ils peuvent se trouver. La rouille est la première manifestation de cette altération, mais des attaques beaucoup plus profondes peuvent se produire par l’action de gaz ou de liquides plus réactifs. Si la protection contre une atmosphère humide est assez facile par des revêtements métalliques ou par des peintures, les attaques chimiques exigent des solutions beaucoup plus radicales visant la composition même du métal et sa structure. Une classe d’aciers dits inoxydables répond à ces exigences.

1. Constituants des aciers

Rappelons que le fer existe sous deux variétés allotropiques différentes, c’est-à-dire avec deux formes cristallines.

Aux basses températures et jusqu’à 910 0C, ses atomes sont disposés suivant un réseau cubique centré, c’est-à-dire qu’ils occupent les sommets et le centre d’un cube: on l’appelle alors fer a. Aux températures supérieures à 910 0C et jusqu’à 1 392 0C, le réseau cristallin est du type cubique à faces centrées, c’est-à-dire que les atomes sont disposés aux sommets du cube et au centre de ses faces. On l’appelle fer g. Au-dessus de 1 392 0C et jusqu’au point de fusion, à 1 535 0C, le fer retrouve la structure cubique centrée du fer a: on l’appelle alors fer d pour distinguer son domaine de stabilité. Lors d’un chauffage, la transformation du fer a en fer g se fait avec diminution de volume et absorption de chaleur. La transformation inverse se fait avec dilatation.

Cette existence des deux variétés allotropiques du fer joue un grand rôle pour les propriétés de l’acier. Le fait essentiel réside dans la différence de solubilité du carbone dans chacune de ces formes. Alors que cette solubilité du carbone est nulle ou extrêmement faible dans le fer a, elle est notable dans le fer g, voisine de 2 p. 100 à 1 145 0C. Cette solution de carbone dans le fer g est appelée austénite , tandis que la solution (très diluée: 0,0218 p. 100 à 727 0C) dans le fer a est appelée ferrite . En raison de cette faible solubilité, le carbone forme un troisième constituant, le carbure de fer Fe3C, ou cémentite. 

Ainsi, un acier, alliage de fer et de carbone, est constitué, à la température ordinaire, d’un mélange de ferrite et de cémentite. Mais, à température plus élevée, alors que le fer a s’est transformé en fer g, il comporte un seul constituant, l’austénite. Le chauffage destiné à provoquer cette transformation de l’acier est appelé austénitisation .

La présence de carbone entraîne d’ailleurs des modifications de la température à laquelle se fait la transformation. Ces modifications sont exprimées dans le diagramme fer-carbone.

 

Ce schéma fait abstraction du domaine du fer d existant entre 1 392 0C et le point de fusion, pour les aciers à faible teneur en carbone. Un point remarquable doit être noté, correspondant à la teneur de 0,8 p. 100 de carbone. Ce point est dit eutectoïde ; les aciers qui contiennent moins de 0,8 p. 100 de carbone sont dits hypoeutectoïdes  et ceux qui sont plus carburés, hypereutectoïdes .

Dans les aciers, la transformation a X g commence dès 730 0C et se poursuit dans un intervalle de température variable suivant la teneur en carbone. Pour un acier eutectoïde ayant une teneur en carbone de 0,8 p. 100, la transformation entière se produit à 730 0C.

2. Structure des aciers

Les aciers sont, à la température ambiante, constitués essentiellement par des mélanges de ferrite et de cémentite. Mais la superposition de ces deux constituants peut prendre des formes très différentes selon les conditions dans lesquelles ils ont pris naissance. Les structures de l’acier peuvent ainsi être extrêmement variées; elles sont aisément mises en évidence par les techniques de la métallographie.

Celles-ci comportent l’examen d’une surface du métal très soigneusement polie et attaquée par des réactifs convenables qui mettent en évidence, par des différences dans l’intensité de l’attaque, les divers constituants de l’acier. L’examen se fait à l’aide d’un microscope optique. Des procédés un peu différents permettent l’examen au microscope électronique avec des grossissements beaucoup plus grands. On a pu constater que les propriétés d’un acier étaient essentiellement fonction de cette structure; par conséquent, l’obtention d’une structure convenable est la clé qui permet d’attribuer à l’acier les propriétés désirées.

Ces structures dépendent des conditions dans lesquelles l’acier a été refroidi depuis le moment où, chauffé au-dessus du point de transformation, il était constitué par de l’austénite. En particulier, suivant la vitesse de refroidissement, on peut avoir, dans le cas de faibles vitesses, une répartition dans la ferrite de particules très grossières de cémentite, ou, au contraire, dans le cas de plus grandes vitesses, une superposition des deux constituants en éléments extrêmement fins, discernables seulement avec de très forts grossissements. À l’extrême, on peut arriver à une solution de carbone dans une ferrite déformée, solution en état de faux équilibre, puisque la solubilité du carbone dans la ferrite est extrêmement faible; la structure formée est la martensite ; dès qu’un échauffement aura restitué aux atomes de carbone une certaine mobilité, ils se sépareront de la ferrite sous forme de carbure, tandis que la ferrite retrouvera sa cristallisation cubique centrée normale.

La connaissance des diverses structures auxquelles peut aboutir la transformation de l’austénite lors du refroidissement a accompli de grands progrès grâce à l’étude de cette transformation en conditions isothermes à diverses températures. Lorsqu’on prend un échantillon d’un acier chauffé dans le domaine de l’austénite, qu’on le refroidit brusquement à une température inférieure à son point de transformation – par exemple, à 600 0C – et qu’on le maintient à cette température pendant une durée suffisante, on peut suivre, par différentes méthodes, la transformation de l’austénite en fonction du temps. On constate alors que cette transformation débute seulement après un "temps d’incubation" qui dépend de la composition de l’acier et, pour un acier donné, de la température. Il peut être d’une fraction de seconde, de quelques minutes ou de quelques heures. Après cette période d’incubation, la transformation commence par l’apparition de ferrite ou de cémentite, suivant que l’acier est hypo- ou hypereutectoïde. Cette formation de ferrite ou de cémentite correspond à un enrichissement ou à un appauvrissement en carbone de l’austénite non transformée. Le phénomène se poursuit jusqu’au moment où le mélange atteint la teneur eutectoïde de 0,8 p. 100 de carbone. À partir de ce moment, le constituant formé est un agrégat de ferrite et de cémentite. La transformation continue progressivement jusqu’à ce quelle soit complète.

On a pu tracer ainsi, pour chaque acier, des diagrammes dits TTT (température, temps, transformation) sur lesquels figurent les courbes représentant le début et la fin de la transformation et, très souvent, celle qui correspond à 50 p. 100 d’austénite transformée. Sur la figure 2, on voit qu’à 700 0C la transformation commence, après environ 20 secondes, par un dépôt de cémentite; après 40 secondes, la transformation produit ferrite et cémentite. Vers 300 secondes, il y a 50 p. 100 d’austénite transformée et la transformation est complète après une heure environ. Lorsque la température baisse, la transformation est de plus en plus précoce et de plus en plus rapide. Vers 450 0C, elle débute en moins d’une seconde; elle est terminée en 3 à 4 secondes. Aux températures inférieures, elle est de nouveau plus lente.

Au-dessous d’une certaine température désignée par MS dans ce cas vers 190 0C –, la transformation prend un tout autre caractère. Elle n’est plus fonction du temps mais seulement de la température: à chaque température, une certaine fraction de l’austénite est transformée instantanément et il faut encore un abaissement de la température pour provoquer la transformation d’une nouvelle fraction.

Ce diagramme est donné à titre d’exemple. Les aciers alliés ont des diagrammes beaucoup plus complexes; des zones de température peuvent apparaître dans lesquelles l’austénite est totalement stable.

L’intérêt de l’étude des transformations isothermes de l’austénite ne réside pas seulement dans l’observation de la cinétique de cette transformation. Elle réside aussi dans la caractérisation des structures obtenues à chacune des températures, structures qui, en raison de l’isothermie de la transformation, sont homogènes. La structure observée après un refroidissement continu est, au contraire, souvent beaucoup plus complexe: elle comporte un mélange des structures élémentaires.

Ces structures élémentaires sont les suivantes:

 Par transformation peu au-dessous du point Ac1, on obtient une structure dite perlite globulaire : il s’agit d’une dispersion de globules de cémentite dans la ferrite, la densité de ces globules étant d’autant plus grande que le pourcentage de carbone est lui-même plus élevé. C’est l’état d’équilibre normal entre ferrite et cémentite, vers lequel tend la structure par maintien suffisamment prolongé à une température élevée mais inférieure à Ac1. On la rencontre dans l’acier parfaitement recuit. Elle correspond à la plus faible dureté.

 À de plus basses températures, on a, à côté de la ferrite ou de la cémentite, une perlite lamellaire  constituée par des lamelles alternées de cémentite et de ferrite. Ces lamelles sont d’autant plus fines que la température de transformation est plus basse. Elles finissent par ne plus être perceptibles en microscopie optique. On a alors une structure dite troostite . La dureté de l’acier croît avec la finesse de cette structure perlitique.

Le mode de transformation que nous venons de décrire s’arrête au point dit MS: comme nous l’avons dit, les processus deviennent alors tout à fait différents et ne dépendent plus du temps, mais seulement de la température. Le constituant formé est alors la martensite, solution métastable de carbone dans une ferrite dont le réseau cubique est déformé et devenu quadratique. Cette martensite est le constituant des aciers trempés; elle est d’autant plus dure que l’acier est plus carburé. À chaque température, la martensite existe en présence d’une certaine quantité d’austénite non transformée, quantité d’autant plus faible que la température est plus basse. Il existe une température, dite Mf, à laquelle la transformation martensitique est complète; mais cette température est souvent inférieure à la température ambiante. À moins de traitements spéciaux, il persiste alors, à côté de la martensite, une certaine quantité d’austénite dite résiduelle; dans certains cas, cette austénite ne peut pas se transformer par refroidissement, même à très basse température, le point Mf étant inférieur aux températures atteintes.

La martensite est, par nature, instable. Il suffit d’un chauffage et d’un maintien vers 100 0C pour qu’elle rejette une très grande partie du carbone qu’elle tient en solution. À mesure de ce rejet, elle revient vers le réseau normal, cubique centré, de la ferrite. Le carbone ainsi précipité l’est sous forme d’un carbure spécial de formule voisine de Fe2C. À plus haute température, ce carbure se transforme lui-même en cémentite Fe3C.

L’étude de la transformation isotherme de l’austénite conduit ainsi à la connaissance des constituants pouvant en résulter et des domaines de température dans lesquels ils apparaissent. Mais, dans la pratique, les aciers subissent, le plus souvent, un refroidissement continu depuis l’instant où ils sont purement austénitiques. À moins que l’abaissement de la température ne soit assez lent pour que la transformation se fasse tout entière dans le domaine perlitique, ou assez rapide pour que toute transformation soit évitée avant le point MS, la structure sera plus complexe: on observera la superposition de constituants formés à mesure du passage dans les divers domaines. Ce phénomène est peu sensible avec les aciers au carbone, pour lesquels la transformation est rapide (quelques secondes vers 500 0C), mais devient prépondérant avec les aciers alliés, pour lesquels les structures sont souvent extrêmement complexes.

On a tracé des diagrammes analogues aux précédents, mais en fonction de refroidissements continus et non plus de maintiens isothermes. Les courbes de transformation sont alors assez notablement modifiées. Si on trace à travers ce diagramme une courbe correspondant à une vitesse déterminée de refroidissement, on relève la suite des transformations successives et la proportion des divers constituants. Ces diagrammes présentent un très grand intérêt pratique.

3. Facteurs influençant la structure

Les conditions de la transformation de l’austénite et, par conséquent, la structure d’un acier à la température ordinaire ne dépendent pas uniquement de la vitesse de refroidissement. Elles sont fonction, entre autres facteurs, de la composition de l’acier. En effet, un acier, même non allié, n’est pas seulement un alliage de fer et de carbone. Il contient une certaine quantité d’autres éléments, ajoutés volontairement au cours de l’élaboration pour répondre à certaines nécessités, ou provenant d’impuretés apportées par les matières premières et qui n’ont pas pu être entièrement éliminées. Il n’est pas rare que la teneur totale en ces éléments dépasse la teneur en carbone de l’acier.

Les éléments ajoutés volontairement sont essentiellement des désoxydants – manganèse, silicium, aluminium, etc. –, dont le rôle est de fixer l’oxygène dissous dans le métal liquide sous une forme qu’on a cru longtemps inactive. D’autres éléments proviennent des matières premières ou de l’atmosphère des fours: azote, hydrogène, soufre, phosphore, etc. et, éventuellement, nickel, chrome ou autres éléments apportés par les riblons ou les ferrailles.

Tous ces éléments, qu’on appelle souvent "oligo-éléments" (à cause de leur faible concentration dans le mélange final), jouent, à côté du carbone, un rôle important lors de la transformation de l’austénite et agissent donc sur les propriétés de l’acier. Ils modifient les vitesses de transformation, dans un sens ou dans l’autre, mais généralement en les diminuant, c’est-à-dire que les courbes du diagramme TTT sont plus ou moins reportées vers la droite.

Cette influence est souvent renforcée par le fait qu’ils ne sont pas toujours répartis d’une façon homogène dans l’acier mais que, comme le carbone d’ailleurs, ils peuvent être "ségrégés", c’est-à-dire être rassemblés, lors de la solidification, dans certaines parties du métal, très souvent entre les cristaux ou dans les fractions du lingot solidifiées en dernier lieu. Ces ségrégations, très importantes dans le métal brut de coulée, s’atténuent lors des transformations ultérieures du lingot, à l’occasion des chauffages successifs et des déformations du métal. Mais elles restent décelables même après des déformations importantes. Les teneurs en ces éléments peuvent être très élevées en certains points de l’acier, de sorte que les conditions de transformation, donc la structure, peuvent être très hétérogènes. Il convient cependant de souligner que la coulée continue , qui s’est développée considérablement depuis le début de la décennie soixante-dix, correspond à une profonde modification des processus de fabrication, puisqu’elle permet de couler directement des demi-produits et d’éviter ainsi la phase de dégrossissage au blooming ou au slabbing, nécessaire avec la voie lingot.
Les techniques de brassage électromagnétique du métal liquide en lingotière et dans la zone de refroidissement du demi-produit en cours de solidification permettent une réduction importante des ségrégations.

La présence d’éléments autres que le carbone est aussi importante en raison de leur action sur la position des courbes de transformation, donc sur les constituants de l’acier après un cycle de refroidissement. Mais elle se manifeste également par leur effet sur un caractère important d’un acier: sa grosseur de grain à l’état austénitique.

Les méthodes de la métallographie montrent qu’une solution solide métallique, ce qui est le cas de l’austénite, est constituée par une juxtaposition de grains ayant chacun une orientation cristalline déterminée. Cette caractéristique s’explique par les processus de germination et de croissance, le développement d’un cristal à partir d’un germe étant limité par celui des cristaux voisins. Entre ces "grains", une zone de transition désorientée constitue le "joint de grain". La "grosseur de grain", mesurée par le nombre de cristaux dans un certain volume ou, plus simplement, par le nombre de cristaux rencontrés dans une coupe de section déterminée, joue un rôle important. On montre qu’elle dépend, d’une part, de la température à laquelle l’acier est chauffé et de la durée du maintien à cette température, d’autre part, d’un caractère inhérent à l’acier qui le rend plus ou moins sensible à un grossissement des grains pendant le chauffage, caractère qui est lié à la présence de certaines impuretés ou constituants de l’acier, tels que le nitrure d’aluminium, des oxydes ou des carbures peu solubles. On a montré, par exemple, qu’à un grain plus gros correspondait un déplacement vers la droite des courbes du diagramme TTT, donc une plus grande stabilité de l’austénite et une transformation plus lente.

Ainsi, de multiples facteurs agissent sur la vitesse de transformation de l’austénite et, par conséquent, sur la structure et les propriétés de l’acier. On retrouve, en particulier, l’influence de toute l’histoire de l’acier, celle des matières premières dont il provient, des détails du processus d’élaboration et des déformations et traitements qu’il a subis. Cela explique la complexité des phénomènes et le fait qu’ils ne soient connus que depuis peu de temps.

4. Traitements thermiques des aciers

Ces considérations sur la structure de l’acier, fonction des conditions de refroidissement, ont une grande importance pratique. Elles sont, en effet, à la base des divers traitements thermiques  qui permettent d’attribuer à un acier un large éventail de propriétés.

Le plus simple de ces traitements est le recuit , qui comporte soit un chauffage au-dessus du point de transformation suivi d’un refroidissement très lent, soit un chauffage un peu au-dessous du point de transformation, avec un maintien très prolongé à cette température, suivi d’un refroidissement qui peut être assez rapide, à l’air, par exemple. La vitesse du refroidissement, dans le premier cas, la durée du maintien du chauffage, dans le second cas, sont fonction de la composition de l’acier. Le recuit fait disparaître toutes les contraintes qui pouvaient subsister dans l’acier à la suite des déformations et des traitements thermiques ou mécaniques qu’il avait antérieurement subis. Il le ramène dans un état voisin de l’état d’équilibre avec une structure de cémentite, souvent globulaire, dispersée dans la ferrite. C’est l’état d’adoucissement maximal, qui est parfois le plus favorable pour l’usinage.

Un autre traitement thermique souvent pratiqué est la  normalisation : celle-ci comporte un chauffage au-dessus du point de transformation, suivi d’un refroidissement à l’air. Il en résulte un adoucissement et l’élimination d’une grande partie des contraintes, mais la structure et les propriétés ne sont pas toujours bien définies puisque la vitesse de refroidissement est fonction de la dimension de la barre ou de la pièce. La normalisation permet cependant de mettre le métal dans un état bien reproductible, compte tenu de ces réserves.

Mais le durcissement par trempe  est peut-être le traitement thermique le plus important. Il consiste à chauffer l’acier au-dessus du point de transformation – c’est ce que nous avons appelé l’austénitisation – et à le refroidir brusquement par immersion dans un liquide, eau ou huile, ou même simplement à l’air pour certains aciers (dits parfois autotrempants). L’alliage acquiert alors une grande dureté, d’autant plus grande qu’il est plus carburé.

Rappelons que, dans cet état, la structure de l’acier est dite martensitique; elle comporte parfois des restes d’austénite non transformée, ce qui explique la dureté moindre des aciers alliés très carburés. Cette structure est fondamentalement instable, le carbone se trouvant en sursaturation dans la ferrite.

La déformation du réseau cubique centré de la ferrite en un réseau quadratique est la cause de la dureté élevée de la martensite. Mais elle provoque également une fragilité, d’autant plus grande que la teneur en carbone est plus élevée. Le durcissement par trempe est donc accompagné d’une fragilisation. C’est pour cette raison que le traitement de trempe est habituellement suivi d’un revenu , qui est un chauffage avec maintien plus ou moins prolongé à une température inférieure au point de transformation. Ce revenu a pour effet un adoucissement avec, simultanément, une diminution de la fragilité. Il permet d’ajuster les caractéristiques de résistance et de ductilité de l’acier à celles qui conviennent pour l’emploi envisagé.

Les phénomènes se produisant au cours du revenu sont parfois très complexes. Dans le cas des aciers non alliés, la cémentite précipite puis se "coalesce" à mesure que la température s’élève ou que la durée du revenu s’accroît: la dureté diminue progressivement. En présence d’éléments d’alliage, la précipitation de carbures alliés autres que la cémentite complique beaucoup les phénomènes. Il peut même se produire, dans certaines zones de température, des durcissements secondaires. Il faut tenir compte, enfin, de la décomposition de l’austénite résiduelle éventuelle, soit au cours du revenu, soit pendant le refroidissement consécutif à ce traitement. Les conditions du revenu, c’est-à-dire la température atteinte et la durée du maintien, doivent être fixées, suivant le but visé, en tenant compte de la composition de l’acier et de cette complexité des phénomènes.

Il existe bien d’autres traitements thermiques pouvant être appliqués aux aciers, en particulier certaines variantes dans le processus même de la trempe: on peut, par exemple, immerger l’acier non pas dans un liquide froid mais dans un bain à température plus ou moins élevée et l’y maintenir un certain temps. On peut modifier ainsi les structures de trempe ou éviter des déformations et obtenir une grande variété de résultats.

Dans certains cas, ces traitements thermiques ne sont appliqués qu’à une partie d’une pièce d’acier, en général la surface, et sur une profondeur limitée. Cela peut être obtenu en chauffant la pièce partiellement, soit en la maintenant dans un four un temps insuffisant pour laisser la chaleur pénétrer jusqu’au centre, soit en appliquant des modes de chauffage particuliers qui n’intéressent que la surface (chalumeaux, chauffage par induction...).

D’autres traitements consistent à modifier superficiellement la composition de l’acier, par exemple en y incorporant du carbone (cémentation) ou de l’azote (nitruration) ou les deux éléments simultanément (carbonitruration).

On peut ainsi faire varier dans de très larges limites les propriétés des aciers en agissant sur les traitements thermiques qu’il est possible de leur faire subir. C’est là, très certainement, l’origine du développement extraordinaire de leurs utilisations.


5. Propriétés des aciers. Leur expression

L’évaluation des possibilités d’utilisation des divers aciers dans les états variables auxquels ils peuvent être amenés par des traitements se fait en déterminant un certain nombre de grandeurs relatives aux diverses propriétés du métal. Les plus courantes, sinon les plus importantes, se rattachent, d’une part, à la ténacité  de l’acier, c’est-à-dire à la résistance opposée aux déformations, d’autre part, à la ductilité , c’est-à-dire à la capacité de se déformer sans se rompre, ces deux qualités étant dans une certaine dépendance.

Parmi les grandeurs les plus couramment déterminées, nous citerons d’abord la dureté , qui s’exprime comme une résistance à l’enfoncement. On mesure la profondeur de pénétration d’une bille, d’un cône ou d’une pyramide appliquée sur l’acier avec une force déterminée. La bille est en acier dur ou en carbure de tungstène (essai Brinell). Le cône (essai Rockwell) ou la pyramide (essai Vickers) sont en diamant. La force appliquée a plusieurs valeurs possibles, et il existe naturellement autant d’échelles de dureté que de valeurs de la charge, les duretés de métaux différents ne pouvant être comparées que si elles sont déterminées suivant la même méthode et avec la même charge. Des tables de correspondance approximative entre les échelles ont été établies. Bien qu’elles mettent en jeu des propriétés différentes du métal – résistance à la déformation, d’une part, capacité de durcissement par déformation (écrouissage), d’autre part –, les mesures de dureté sont très largement pratiquées, en raison de leur simplicité et du fait qu’elles n’entraînent pas de destruction de métal.

D’autres grandeurs très fréquemment utilisées sont celles que l’on obtient grâce à l’essai de traction. Cet essai consiste à soumettre une éprouvette d’acier à une charge croissant jusqu’à provoquer la rupture. On détermine ainsi une limite élastique , qui est la charge maximale que peut subir le métal sans subir une déformation permanente, et une charge de rupture , qui est la charge maximale que peut supporter l’éprouvette sans se rompre. Ces charges sont rapportées à la section initiale de l’éprouvette et exprimées en mégapascals (symbole: MPa; 1 MPa = 0,102 kgf/mm2). Dans l’essai de traction, on mesure aussi l’allongement  de l’éprouvette au moment de la rupture, et la striction , qui est le rapport entre la section de l’éprouvette au niveau de la rupture et sa section initiale. La limite élastique et la charge de rupture expriment la ténacité de l’acier, tandis que l’allongement et la striction sont des mesures de la ductilité.

Ces grandeurs peuvent très largement varier. Si l’acier doux, le plus répandu, a une charge de rupture de l’ordre de 350 mégapascals, il est très courant d’utiliser des aciers ayant des résistances à la rupture allant jusqu’à 1 000 mégapascals et au-delà. Pour des emplois spéciaux, on sait maintenant fabriquer des aciers dont la résistance dépasse 3 000 mégapascals. Les mêmes variations s’observent pour les caractéristiques de ductilité. Des aciers très résistants peuvent se rompre avec des allongements de 1 ou 2 p. 100, tandis qu’il n’est pas rare de trouver des aciers spéciaux ne se rompant qu’après des allongements de 50 à 60 p. 100. La striction subit des variations encore plus grandes.

On dispose ainsi, pour caractériser les aciers et pour calculer les conditions de leur utilisation, de grandeurs reflétant bien une partie notable de leurs propriétés. Ces grandeurs sont d’ailleurs souvent combinées dans les "indices de qualité". Un indice utilisé pour les aciers au carbone réunit la charge de rupture R et l’allongement A dans la formule N = R+ 2,5 A. Comme, pour un acier donné, l’allongement diminue lorsque la résistance augmente, on a ainsi un indice assez caractéristique d’un acier, quel que soit, entre certaines limites, l’état dans lequel il se trouve.

Une autre grandeur, caractérisant la ductilité de l’acier et, plus particulièrement, sa résistance aux chocs, est la résilience , qui exprime le travail nécessaire pour rompre, par flexion sous l’effet d’un choc, une éprouvette portant une entaille de forme et de profondeur déterminées. Le travail nécessaire pour la rupture est exprimé en joules par centimètre carré de section. Si la résilience n’est pas une grandeur pouvant, comme la charge de rupture et la limite élastique, être introduite dans les calculs, elle n’en constitue pas moins une excellente caractéristique d’évaluation de l’acier. Nous noterons, en particulier, qu’elle varie largement suivant la position de l’éprouvette dans la pièce, c’est-à-dire suivant que l’éprouvette est prélevée parallèlement (L) ou perpendiculairement (T) aux "fibres" du métal. Le rapport L/T, qui peut varier de 1,1 à 3 ou 4, est une bonne mesure de l’hétérogénéité du métal et de ses propriétés directionnelles.

Si, par ailleurs, pour un acier donné, on étudie la variation de la résilience en fonction de la température d’essai, on observe une brusque variation de part et d’autre d’une certaine température. Au-dessus de celle-ci, on constate des valeurs relativement élevées de la résilience, avec un aspect de la cassure caractéristique d’un acier ductile. Au-dessous de cette température, les valeurs de la résilience sont plus faibles et l’aspect de la cassure correspond à un acier fragile. Cette température limitant les domaines de ductilité et de fragilité de l’acier est dite "température de transition": elle est considérée comme un indice important de la qualité de l’acier, en particulier lorsque celui-ci doit être soumis à de basses températures. Elle est un indice du risque de propagation d’une fissure, donc du risque de rupture. Ces essais sont avant tout utilisés pour la réception et le classement des aciers. Des essais plus sophistiqués développés en mécanique de la rupture permettent de déterminer des caractéristiques utilisables pour le calcul des structures.

Il existe bien d’autres grandeurs permettant de caractériser un acier et d’orienter son utilisation. On les détermine par des essais soit statiques, soit dynamiques, en mettant en jeu des contraintes soit uniaxiales, soit bi- ou triaxiales. D’où une grande variété d’essais dont certains sont établis en vue d’un emploi particulier. Sans pouvoir les citer tous, nous mentionnerons: les essais de fluage , par lesquels on détermine les propriétés d’un acier aux températures élevées (déformation en fonction du temps ou temps de rupture sous une charge déterminée), les essais de compression , de cisaillement , de flexion , d’emboutissage . Mentionnons encore les essais d’ endurance : il est connu que les métaux soumis à des sollicitations alternées peuvent, par suite de phénomènes de fatigue, se rompre sous une charge très inférieure à la charge de rupture en traction. La connaissance de la limite d’endurance, c’est-à-dire de la sollicitation que supportera l’acier sans se rompre quel que soit le nombre d’alternances, a un intérêt certain. Il faut pourtant retenir que la rupture d’une pièce à la suite de phénomènes de fatigue doit être plus souvent attribuée à la pièce elle-même (forme, état de surface, etc.) qu’à la qualité de l’acier.

Des essais plus purement technologiques sont aussi pratiqués. Nous citerons ceux qui sont relatifs à une propriété importante de l’acier, sa capacité de trempe, ou trempabilité, qui exprime la possibilité d’obtenir par trempe une structure martensitique. Un acier à faible capacité de trempe devra être trempé énergiquement dans l’eau, et encore le résultat ne sera-t-il obtenu que pour des pièces de petites dimensions. À un accroissement de la trempabilité correspond une augmentation des dimensions pour lesquelles ce résultat est atteint ou le remplacement du refroidissement dans l’eau par une immersion dans des conditions moins brutales, dans l’huile par exemple. Un acier à forte trempabilité pourra même devenir martensitique après un simple refroidissement à l’air.

On conçoit l’importance de cette notion qui correspond en fait à la vitesse de transformation de l’austénite. La connaissance de la trempabilité est fondamentale pour l’établissement des conditions des traitements thermiques. Plusieurs essais pratiques ont été proposés. Le plus répandu est l’essai Jominy . On obtient une courbe qui est représentative de la capacité de trempe de l’acier et qui, dans certaines conditions, permettra d’évaluer la dureté en divers points d’une pièce trempée.

 

6. Défauts et maladies des aciers. Contrôle de qualité

Les nombres représentant les divers aspects des propriétés des aciers ne rendent pas entièrement compte de la qualité de chacun d’eux. S’ils correspondent assez bien au point de vue du mécanicien, ils ne suffisent pas: il faut envisager également des propriétés plus purement physiques du métal. Nous avons fait allusion à l’hétérogénéité et aux propriétés directionnelles d’une pièce d’acier: c’est un des phénomènes complexes qu’on peut englober sous l’appellation de défauts et maladies des aciers . L’hétérogénéité est liée aux ségrégations, c’est-à-dire aux irrégularités de composition se produisant lors de la solidification et qui ne peuvent pas être entièrement effacées lors des transformations et traitements ultérieurs. Ces ségrégations, parfois liées à des dégagements gazeux, persistent dans l’acier et peuvent être à l’origine de divers autres défauts.

Les inclusions  non métalliques que l’on rencontre dans tous les aciers normalement élaborés constituent également un défaut pouvant avoir des conséquences graves. Les plus grosses proviennent d’entraînement de laitier ou de réfractaire: elles sont accidentelles et doivent pouvoir être évitées grâce à des précautions spéciales. Les plus petites, les plus nombreuses d’ailleurs, sont, au contraire, inhérentes à l’acier et sont liées au processus même d’élaboration et surtout à la phase de désoxydation; leur formation peut continuer même pendant la solidification. Si leurs inconvénients sont moins graves, elles n’en ont pas moins une influence profonde sur les propriétés de l’acier. En fait, les progrès réalisés depuis le début de la décennie quatre-vingt au niveau des procédés d’élaboration et de coulée sont considérables et permettent l’obtention d’aciers homogènes de haute pureté: les problèmes qui viennent d’être évoqués sont donc largement minimisés.

Des criques  et des tapures  peuvent se produire soit au cours de la solidification, soit pendant les transformations ultérieures. Si elles n’ont pas pu être éliminées dès leur formation, elles entraînent le rejet de l’acier en cours de fabrication, et l’utilisateur ne les rencontre guère. On peut cependant observer des fissures internes se produisant à l’occasion du forgeage ou du laminage. Elles sont souvent liées à des ségrégations et parfois à des dégagements gazeux (hydrogène). À ce dernier type de défauts se rattachent les flocons .

Des défauts peuvent également apparaître lors des traitements thermiques. Nous ne parlons pas là des malfaçons de traitement telles qu’un cycle de température incorrect, mais de défauts tels que la décarburation ou la carburation superficielle ou encore de tapures provenant d’un mode de refroidissement mal adapté à la forme de la pièce ou à la nuance de l’acier. Il peut se produire encore une altération des caractéristiques mécaniques (fragilisation), soit parce que l’acier a été chauffé à trop haute température (surchauffe), soit par suite d’un revenu dans une zone de température ne convenant pas pour l’acier traité (fragilité de revenu).

Bien d’autres défauts encore peuvent être rencontrés dans les aciers. Il est donc évident que la détermination des grandeurs mesurables ne peut pas suffire pour apprécier la qualité. Outre ces déterminations, le contrôle de la qualité comportera l’examen de l’acier ou de la pièce à l’aide de méthodes faisant appel aux ressources de la technique la plus évoluée. On utilisera des méthodes magnétiques ou électromagnétiques pour l’examen des surfaces, des rayonnements ultrasonores pour sonder l’intérieur du métal et mettre en évidence des inclusions ou des fissures internes. L’examen par transparence, à l’aide de rayons X ou de rayonnement g provenant de substances radioactives, permet également de s’assurer de l’absence de défauts internes et même de les observer à distance à l’aide de caméras de télévision. La perfection des méthodes de contrôle permet maintenant d’utiliser l’acier avec une grande sécurité.

7. Désignation des aciers

La désignation normalisée française des aciers se fait suivant plusieurs modes selon la catégorie d’acier.

La désignation conventionnelle des aciers d’usage général ne nécessitant pas de traitement thermique  est fondée sur les caractéristiques mécaniques (résistance à la traction ou limite élastique) ou sur des caractéristiques particulières. Par exemple, l’acier de construction d’usage général, de limite élastique minimale de 240 mégapascals, de qualité 1, est désigné E24-1 d’après la norme NF A 35-501.

La désignation des aciers non alliés spéciaux pour traitement thermique  est fondée sur leur teneur en carbone. On distingue:

 la série CC, dans laquelle le symbole CC est suivi d’un nombre de 2 ou 3 chiffres égal à cent fois la teneur moyenne centésimale en carbone; un acier non allié pour traitement thermique dont la teneur en carbone est comprise entre 0,05 p. 100 et 0,15 p. 100 sera désigné par CC10;

 la série XC, réservée aux aciers dont l’étendue de la teneur en carbone est plus étroite; le symbole XC est suivi d’un nombre égal à cent fois la teneur moyenne centésimale en carbone.

En ce qui concerne les aciers alliés , nous verrons plus loin le mode de désignation adopté, fondé sur la composition chimique en général, et qui distingue les aciers dont aucun élément d’alliage ne dépasse la teneur de 5 p. 100 en masse, et les aciers dont un élément d’alliage au moins dépasse la teneur de 5 p. 100 en masse.

8. Aciers alliés

Les éléments d’alliage utilisés pour l’élaboration des aciers alliés sont très nombreux. Ils agissent sur leur structure et modifient par là certaines de leurs propriétés, mais ils peuvent aussi attribuer à l’acier des propriétés entièrement nouvelles. Les éléments les plus fréquemment incorporés sont, outre le silicium  et le manganèse , le nickel  et le  chrome ; viennent ensuite le molybdène , le tungstène  et le vanadium , puis, moins fréquemment, l’aluminium , le titane , le niobium . Le cobalt , le cuivre , le bore , le soufre , le phosphore , l’azote  répondent aussi à certains buts particuliers.

Chacun de ces éléments se caractérise par une tendance dominante soit à rester dissous dans la ferrite, soit à former avec le carbone un carbure analogue à la cémentite, ou de composition très différente. Comme l’acier ordinaire, les aciers alliés ont, le plus souvent, une structure à deux phases – ferrite et carbure  plus ou moins séparées: l’élément d’alliage se retrouve dans l’une ou l’autre de ces phases, parfois même dans les deux.

L’élément le plus fréquemment utilisé est le chrome . On le retrouve à la fois dans la ferrite et dans les carbures. Il agit, d’une part, sur les points de transformation de l’acier, d’autre part, sur la vitesse à laquelle se transforme l’austénite au cours du refroidissement.

Le point de transformation a X g au chauffage est peu modifié: il est d’abord abaissé par des teneurs en chrome allant jusqu’à 8 p. 100, puis relevé au-delà. En revanche, le point de transformation g X d est régulièrement abaissé, de sorte que l’intervalle entre les deux points – c’est-à-dire le domaine de température où l’austénite est stable – diminue constamment lorsque la teneur en chrome augmente, jusqu’au moment où il disparaît; l’acier ne passe plus, lors du chauffage, par l’état austénitique. Cela se produit pour une teneur en chrome voisine de 13 p. 100 pour les aciers très peu carburés, et seulement de 30 p. 100 lorsque la teneur en carbone atteint 0,4 p. 100. La figure schématise ce phénomène. Les éléments qui, comme le chrome, limitent ou empêchent la formation de l’austénite sont appelés alphagènes , et les aciers qui ne subissent pas de transformation au chauffage et restent toujours à l’état a sont dits ferritiques .

Cette absence de transformation a une conséquence importante: ne passant pas par l’état austénitique, l’acier ne peut pas subir un durcissement par trempe. Il n’y a, en même temps, aucune possibilité de régénération de la structure autrement que par une déformation mécanique à chaud.

Une deuxième action du chrome se manifeste par un ralentissement des transformations de l’austénite pendant le refroidissement. Cela correspond à une augmentation de la trempabilité: le domaine de transformation martensitique pourra être atteint avec de plus faibles vitesses de refroidissement. Des aciers au chrome pourront être trempés à l’huile ou même à l’air.

Le chrome augmente également la résistance au revenu: lorsque l’acier, après la trempe, est soumis à un revenu, il s’adoucit plus lentement et à de plus hautes températures. La figure donne un exemple de ce comportement qui est lié à une précipitation durcissante de carbures de chrome et, éventuellement, à la transformation de l’austénite résiduelle. Les carbures précipités peuvent être du type cémentite, dans laquelle le chrome remplace une partie du fer, ou avoir les compositions Cr7C3 ou Cr23C6.

Enfin, une importante propriété du chrome est de donner à l’acier une bonne résistance à la corrosion. Pour des teneurs supérieures à 12 p. 100, le chrome provoque la formation d’une couche oxydée à la surface de l’acier; celle-ci le protège contre les attaques chimiques. Pour cette raison, le chrome est la base d’une très importante gamme d’aciers spéciaux.

Le nickel  trouve également de très fréquents emplois dans les aciers alliés. Il présente deux différences essentielles avec le chrome: il se dissout dans la ferrite et ne forme pas de carbures; il abaisse le point de transformation a X g, mais non g X d, de sorte que le domaine d’existence de l’austénite est élargi. Ainsi, le nickel est le type des éléments dits gammagènes  qui favorisent la formation d’austénite.

En même temps, le nickel augmente la stabilité de l’austénite et ralentit sa transformation pendant le refroidissement, donc augmente la trempabilité tout en abaissant la température MS à partir de laquelle se forme la martensite. Cette température peut devenir inférieure à la température ambiante, de sorte que l’acier reste austénitique à la température ordinaire. C’est ainsi qu’un acier contenant 0,2 p. 100 de carbone et 10 p. 100 de nickel est martensitique même avec un refroidissement très lent. Avec 25 p. 100 de nickel, il reste austénitique

.

La figure 7 indique les structures prises par les aciers au nickel après un refroidissement lent, en fonction des teneurs en carbone et en nickel. Avec des refroidissements rapides, les aciers contenant moins de 10 p. 100 de nickel ont aussi une structure martensitique.

En plus de ces actions essentielles sur les structures des aciers, le nickel améliore la ductilité, surtout aux très basses températures. Il permet également d’obtenir des aciers ayant des propriétés particulières, telles qu’un très faible coefficient de dilatation, une faible variation du module d’élasticité ou une grande perméabilité magnétique.

La combinaison du chrome et du nickel  ouvre aussi de larges possibilités: pour de faibles teneurs, on additionne les effets favorables sur la trempabilité, la résistance au revenu et la ductilité; pour de plus fortes teneurs, on combine la résistance à l’oxydation et à la corrosion apportée par le chrome avec le caractère gammagène du nickel afin d’obtenir des aciers austénitiques inoxydables. Le choix judicieux des proportions de ces deux éléments permet l’obtention de diverses structures et la découverte d’une large gamme d’emploi.

Le silicium  se rencontre dans tous les aciers, avec de faibles teneurs, de l’ordre de 0,2 à 0,5 p. 100: il est alors utilisé comme désoxydant. Il intervient parfois comme élément d’alliage avec de plus fortes teneurs, soit pour améliorer la limite élastique, soit pour accroître la résistance à l’oxydation, soit encore dans des aciers à propriétés particulières (haute perméabilité magnétique). Comme le chrome, c’est un élément alphagène, mais il ne forme pas de carbures.

Le manganèse  intervient également dans tous les aciers comme désoxydant. Dans les aciers alliés, il se comporte, dans un certain sens, comme le nickel; il augmente la trempabilité, permet d’obtenir des aciers à structure austénitique stable. Mais il participe à la formation de carbures et se trouve dans la cémentite, où il remplace une partie du fer.

Le molybdène  se rencontre dans beaucoup d’aciers alliés. Comme le chrome, il est alphagène et, plus que lui encore, tend à former des carbures. Il augmente la trempabilité.

Avec le tungstène  et le vanadium , les caractères alphagène et formateur de carbures sont encore accentués. Ces éléments sont fréquemment utilisés pour obtenir des aciers durs et résistants.

Le titane  et le niobium  sont employés essentiellement en raison de leur très grande affinité pour le carbone, surtout lorsqu’il s’agit de fixer cet élément sous une forme stable. Ce sont aussi de bons désoxydants.

L’aluminium  est avant tout un puissant désoxydant. Il se rencontre plus rarement comme élément d’alliage dans des cas particuliers où il intervient dans certains processus de durcissement.

Précisons que le titane, le niobium et l’aluminium forment facilement des nitrures avec l’azote que contient le métal. Ces nitrures bloquent les joints de grains austénitiques lors d’un traitement d’austénitisation à haute température, et inhibent donc leur croissance, ce qui a des conséquences bénéfiques sur la finesse des produits de transformation g X a, donc sur les propriétés mécaniques des structures obtenues. Ce contrôle de la taille du grain g par des nitrures est largement utilisé dans la pratique industrielle. On sait aussi faire précipiter les nitrures de titane et de niobium au cours de traitements thermiques ou thermomécaniques afin de mettre en œuvre un durcissement par précipitation.

Le cobalt  est utilisé dans des aciers très spéciaux dont il modifie certains processus structuraux.

Le bore , ajouté à l’acier en quantité extrêmement faible, accroît la trempabilité et, dans des aciers très spéciaux, améliore la résistance mécanique et la ductilité aux températures élevées.

Le soufre  , le plomb  , le tellure  augmentent sensiblement la facilité d’usinage et permettent d’accroître les vitesses de coupe.

Le phosphore  et le cuivre  , en petites proportions, améliorent la résistance de l’acier à l’oxydation par l’air.

Bien d’autres éléments ont été sporadiquement ajoutés à l’acier. Ceux que nous avons cités sont les plus usuels. Ils sont rarement employés seuls. Le plus souvent, les aciers alliés contiennent deux ou trois d’entre eux ou plus encore. Ces teneurs ajoutées peuvent constituer depuis 1 p. 100 jusqu’à parfois 30 ou 40 p. 100 du poids de l’alliage.

Diverses catégories d’aciers alliés

On conçoit qu’un très grand nombre d’aciers alliés puissent être imaginés. Dans la pratique, on en fabrique couramment quelques centaines. On peut les classer, pour plus de clarté, en quelques groupes suivant leurs utilisations principales. On distinguera:

  des aciers de construction  , très largement répandus dans la fabrication des dispositifs mécaniques, dans la construction de machines, les industries automobile et aérospatiales, etc.;

  des aciers à outils  , qui se distinguent par une grande dureté et une bonne résistance à l’usure; ils sont utilisés pour des outillages de toute espèce et pour l’usinage;

  des aciers inoxydables  , résistant aux attaques chimiques par l’atmosphère ou par les différents réactifs, auxquels se rattachent des aciers dits réfractaires  ayant une bonne résistance chimique et mécanique aux températures élevées;

  des aciers à propriétés particulières, parmi lesquels nous classerons les aciers à aimants  .

Ces différents aciers alliés constituent une part croissante de la production sidérurgique mondiale.

Pendant longtemps, les aciers alliés n’ont été connus que par leurs marques commerciales. Des normes ont fixé désormais les conditions de leur désignation. D’après la norme française NF  A  02-005, les aciers sont désignés par la succession d’un nombre, d’un groupe de lettres et d’un groupe de chiffres. Pour les aciers fortement alliés, c’est-à-dire ceux dans lesquels un élément d’addition au moins atteint la teneur de 5 p. 100, la désignation est précédée par la lettre Z. Le premier nombre est égal à la teneur centésimale moyenne en carbone.

Le groupe de lettres correspond aux principaux éléments d’alliage classés dans l’ordre des teneurs décroissantes. Ces éléments sont symbolisés par une lettre; notons que cette lettre diffère en général du symbole chimique usuel.

Eléments (symbole chimique)

Symbole

Coef.

Utilité

Aluminium (Al)

A

10

L’aluminium  est avant tout un puissant désoxydant. Il se rencontre plus rarement comme élément d’alliage dans des cas particuliers où il intervient dans certains processus de durcissement.

Chrome (Cr)

C

4

Le Chrome augmente la trempabilité: le domaine de transformation martensitique pourra être atteint avec de plus faibles vitesses de refroidissement. Des aciers au chrome pourront être trempés à l’huile ou même à l’air.

Le chrome augmente également la résistance au revenu: lorsque l’acier, après la trempe, est soumis à un revenu, il s’adoucit plus lentement et à de plus hautes températures.

Enfin, une importante propriété du chrome est de donner à l’acier une bonne résistance à la corrosion.

Cobalt (Co)

K

4

Le cobalt  est utilisé dans des aciers très spéciaux dont il modifie certains processus structuraux

Cuivre (Cu)

U

10

Le phosphore  et le cuivre  , en petites proportions, améliorent la résistance de l’acier à l’oxydation par l’air

Manganèse (Mn)

M

4

Le manganèse  intervient également dans tous les aciers comme désoxydant. Dans les aciers alliés, il se comporte, dans un certain sens, comme le nickel; il augmente la trempabilité, permet d’obtenir des aciers à structure austénitique stable. Mais il participe à la formation de carbures et se trouve dans la cémentite, où il remplace une partie du fer.

Molybdène (Mo)

D

10

Le Molybdène augmente la trempabilité

Nickel (Ni)

N

4

Le nickel augmente la stabilité de l’austénite et ralentit sa transformation pendant le refroidissement, donc augmente la trempabilité tout en abaissant la température

le nickel améliore la ductilité, surtout aux très basses températures. Il permet également d’obtenir des aciers ayant des propriétés particulières, telles qu’un très faible coefficient de dilatation, une faible variation du module d’élasticité ou une grande perméabilité magnétique

Niobium (Nb)

Nb

10

Le titane  et le niobium  sont employés essentiellement en raison de leur très grande affinité pour le carbone, surtout lorsqu’il s’agit de fixer cet élément sous une forme stable. Ce sont aussi de bons désoxydants.

Silicium (Si)

S

4

Le silicium  se rencontre dans tous les aciers, avec de faibles teneurs, de l’ordre de 0,2 à 0,5 p. 100: il est alors utilisé comme désoxydant. Il intervient parfois comme élément d’alliage avec de plus fortes teneurs, soit pour améliorer la limite élastique, soit pour accroître la résistance à l’oxydation, soit encore dans des aciers à propriétés particulières (haute perméabilité magnétique). Comme le chrome, c’est un élément alphagène, mais il ne forme pas de carbures.

Titane (Ti)

T

10

Le titane  et le niobium  sont employés essentiellement en raison de leur très grande affinité pour le carbone, surtout lorsqu’il s’agit de fixer cet élément sous une forme stable. Ce sont aussi de bons désoxydants.

Tungstène (W)

W

10

Avec le tungstène  et le vanadium , les caractères alphagène et formateur de carbures sont encore accentués. Ces éléments sont fréquemment utilisés pour obtenir des aciers durs et résistants.

Vanadium (V)

V

10

Avec le tungstène  et le vanadium , les caractères alphagène et formateur de carbures sont encore accentués. Ces éléments sont fréquemment utilisés pour obtenir des aciers durs et résistants.

 

Le groupe de chiffres indique les teneurs en éléments. Dans le cas des aciers faiblement alliés, la teneur moyenne est multipliée par les coefficients suivants: 4 pour le chrome, le cobalt, le manganèse, le nickel, le silicium; 10 pour l’aluminium, le cuivre, le molybdène, le niobium, le titane, le tungstène, le vanadium.

Pour les aciers fortement alliés (un élément à teneur égale ou supérieure à 5 p. 100), les chiffres expriment la teneur moyenne de l’élément.

En général, seule la teneur de l’élément principal est indiquée. Ce n’est que lorsqu’il est nécessaire d’éviter une confusion que l’on indique de la même façon la teneur du ou des éléments suivants.

La désignation suivant la norme de la C.E.C.A. et de l’I.S.O. est identique à la norme française; cependant, les éléments sont indiqués par leur symbole chimique au lieu d’une lettre arbitraire, comme dans la norme française. Les coefficients multiplicateurs sont les mêmes. L’acier 16 NCD 13 s’écrit alors 16 Ni  Cr  Mo  13.

9. Aciers de construction

On peut utiliser comme aciers de construction de simples aciers au carbone mais aussi, très souvent, des aciers alliés dès qu’il ne s’agit plus de pièces peu sollicitées (les éléments d’alliage les plus fréquents sont le chrome, le nickel, le molybdène). Pour répondre aux exigences croissantes des mécaniciens, on a été conduit à élaborer un assez grand nombre d’aciers de construction qui permettent de couvrir un large éventail de caractéristiques mécaniques et de répondre à des utilisations très diverses.

Propriétés générales

Les propriétés auxquelles on s’attache sont, d’une part, les caractéristiques mécaniques déterminées dans des conditions standards par les essais de traction et de choc (limite élastique  E, charge de rupture  R, allongement, striction et résilience), d’autre part, la trempabilité, telle qu’on peut l’exprimer par la courbe Jominy (fig.  4). Un acier de construction sera donc défini par sa composition chimique, par ses caractéristiques mécaniques et par sa trempabilité. Les caractéristiques obtenues dans la réalité dépendent à la fois de la dimension des pièces et de la trempabilité de l’acier. Elles peuvent être très différentes de celles qu’indiquent les tables et qui correspondent à des conditions standards. La ductilité peut être fonction de l’importance des déformations subies par le métal depuis le demi-produit d’origine (corroyage).

Le choix entre les diverses nuances s’exerce donc en fonction des caractéristiques demandées aux pièces pour résister aux sollicitations auxquelles elles seront soumises. Mais on fait intervenir aussi leur dimension et leur forme, qui imposent le mode de trempe et la trempabilité nécessaire. Une pièce de forme compliquée ne peut, sans aléas importants (tapures, déformations), être refroidie brusquement: cela élimine la possibilité d’une trempe à l’eau ou, parfois même, à l’huile. Il faudra choisir un acier à haute trempabilité. Dans d’autres cas, seule une couche superficielle devra être durcie: on pourra se contenter d’un acier beaucoup moins trempant.

Principales nuances d’aciers de construction

La très grande variété des pièces et des conditions de travail auxquelles elles sont soumises entraîne l’existence d’un grand nombre de nuances d’aciers de construction. En fait, on distingue surtout deux grandes catégories : les aciers de construction soudables et les aciers de construction pour traitements thermiques.

Aciers de construction soudables

Utilisés sous forme de produits plats (tôles) ou longs (poutrelles) dans de nombreuses industries, notamment dans la construction métallique, la construction navale, la chaudronnerie, l’industrie du tube, la construction de gros équipements..., les aciers de construction soudables doivent non seulement présenter les niveaux de caractéristiques mécaniques –  en particulier de caractéristiques de traction et de résistance à la rupture fragile  – qui sont requis pour les utilisations envisagées, mais ils doivent encore pouvoir être soudés dans des conditions techniquement et économiquement satisfaisantes. Comme ces exigences sont contradictoires du point de vue de la composition chimique, notamment en ce qui concerne les teneurs en carbone et en éléments qui augmentent la trempabilité, un compromis est nécessaire qui sera d’autant plus difficile à trouver que le niveau des exigences sera plus élevé. Malgré cela, c’est sans doute dans ce domaine des aciers soudables que les progrès les plus considérables ont été réalisés au cours des dernières décennies, grâce en particulier au développement des traitements thermomécaniques à haute température et à l’emploi d’éléments de microalliage.

Vers le début des années soixante, les aciers de construction soudables étaient essentiellement à structure ferrite-perlite: il s’agissait d’aciers effervescents, semi-calmés ou calmés au silicium, à l’état brut de laminage, ou d’aciers calmés à l’aluminium normalisés, c’est-à-dire ayant subi après laminage un chauffage à 925  0C environ, suivi d’un refroidissement à l’air. Les aciers A  52, à 350  mégapascals de limite élastique et avec garantie de résilience à 20  0C, 0  0C ou _  20  0C, représentaient alors les premiers aciers à haute limite élastique.

Les exigences de plus en plus sévères des utilisateurs, correspondant pour les constructions soudées à des conditions d’utilisation de plus en plus difficiles et au désir d’abaisser les coûts de construction, posaient et posent d’ailleurs en permanence pour les aciers soudables le problème de l’amélioration de leurs propriétés, sans que leur soudabilité soit diminuée.

Une première possibilité consistait à limiter la teneur en carbone et à utiliser les éléments d’alliage classiques (chrome, nickel, cuivre, molybdène), mais en teneurs faibles, n’excédant pas 0,7  p.  100. Toutefois, deux autres voies se sont finalement révélées beaucoup plus intéressantes:

  l’addition d’éléments de microalliage susceptibles de donner de fins précipités durcissants de carbures, nitrures ou carbonitrures, comme le niobium, le vanadium et le titane;

  la recherche de moyens permettant d’obtenir un grain ferritique aussi fin que possible.

On savait par ailleurs que des aciers à structure partiellement ou totalement bainitique ou martensitique revenue pouvaient présenter des caractéristiques très intéressantes, mais, pour obtenir de telles structures sans trop affecter la soudabilité, il fallait trouver des moyens permettant d’utiliser des compositions chimiques relativement peu chargées.

Les traitements thermomécaniques à hautes températures, notamment le laminage contrôlé, allaient permettre de résoudre ces problèmes et de développer de nouvelles familles d’aciers –  contenant des éléments de microalliage niobium, vanadium ou titane  –, à caractéristiques très élevées, mais néanmoins facilement soudables.

Les importants travaux de recherche effectués sur ces procédés ont permis de bien comprendre les phénomènes qui interviennent au cours d’une opération de laminage à chaud et de montrer qu’il était possible, en conduisant le laminage dans des conditions de température et de déformation bien définies et programmées, d’obtenir à la fois les dimensions requises et des niveaux élevés de caractéristiques mécaniques. En particulier, les résultats obtenus grâce à la méthode originale de simulation du laminage par torsion développée à l’Institut de recherches de la sidérurgie française (Irsid), et les modèles de laminage qui ont été mis au point, ont permis de définir des schémas de laminage contrôlé très performants, par exemple le procédé Multiphi  , qui a fait l’objet d’un dépôt de marque en 1973. Ce procédé connut rapidement un développement industriel important et, à l’heure actuelle, après diverses améliorations (abaissement de la température de réchauffage des brames avant laminage, abaissement des températures de fin de laminage, refroidissement accéléré après laminage...), plus de 50  p.  100 des tôles fortes sont fabriquées par laminage contrôlé. On est passé progressivement de nuances dont la limite élastique minimale ne dépassait pas 413  mégapascals à des nuances ayant des limites élastiques allant jusqu’à 550  mégapascals. L’utilisation conjointe d’éléments de microalliage et de schémas de laminage contrôlé de plus en plus performants a permis cette progression des caractéristiques sans conséquence fâcheuse pour la soudabilité.

Aciers de construction pour traitements thermiques

Les niveaux de caractéristiques mécaniques désirés sont obtenus, pour cette catégorie d’aciers, par un choix judicieux des compositions chimiques et des conditions de traitement thermique des pièces.

Les différents groupes d’aciers de construction alliés sont, dans l’ordre croissant des trempabilités: les aciers au manganèse-chrome les aciers au silicium, au silicium-chrome et au silicium-chrome-molybdène, les aciers au chrome, les aciers au chrome-molybdène, les aciers au chrome-vanadium, les aciers au nickel-chrome, les aciers au nickel-chrome-molybdène, et enfin les aciers au chrome-nickel-molybdène.

Les aciers au carbone non alliés sont peu trempants; ils ne seront utilisés que lorsque la trempe à l’eau est possible.

Aciers à caractéristiques spéciales

Les aciers précédents ne sont pas les seuls utilisés. La tendance actuelle est à la recherche de limites élastiques  E et de charges de rupture R très élevées afin de répondre aux très fortes sollicitations exigées par les réalisations techniques avancées, aéronautiques et aérospatiales, en particulier. Un nouveau groupe d’aciers de construction dits aciers à haute résistance  est né, pour lequel les charges de rupture, à l’état d’emploi, peuvent atteindre et dépasser 2  500  mégapascals. Ces résistances élevées sont obtenues soit par le traitement de trempe et revenu habituel, soit par des traitements spéciaux comportant un "  durcissement structural" provoqué par la précipitation de certains constituants, carbures ou composés intermétalliques, par exemple.

Le problème ne consistait pas seulement à accroître la résistance, mais, ce faisant, à conserver à l’acier une ductilité suffisante. On a cherché la solution de ce problème dans l’addition d’éléments comme le silicium. Ces éléments augmentent la résistance au revenu et permettent d’obtenir, par trempe et revenu à des températures suffisamment élevées, une bonne combinaison de résistance et de ductilité. Le vanadium et le molybdène ont été employés dans le même but. Des modes d’élaboration spéciaux, comme la fusion sous vide ou sous laitier électroconducteur, améliorent encore sensiblement la ductilité.

Dans d’autres aciers, on cherche à provoquer, dans une martensite relativement douce, la formation d’un précipité durcissant. C’est le cas des aciers dits maraging  (la mar  tensite se forme par refroidissement brutal après auténitisation; puis, un traitement de vieillissement –  aging  , en anglais  – fait précipiter les composés durcissants). Ces aciers contiennent, à côté de 18 p. 100 de nickel, du cobalt et des additions de molybdène et de titane: le précipité durcissant est alors un composé intermétallique de nickel avec le molybdène et le titane.

Dans un autre ordre d’idées, on a procédé à la recherche d’aciers conservant une bonne ductilité aux basses températures. De tels aciers sont nécessaires dans l’industrie du froid, en particulier pour le transport des gaz liquéfiés. Un mode d’élaboration spécial appliqué aux aciers au carbone permet d’avoir une bonne ductilité jusque vers _  45  0C. C’est la limite d’utilisation de ces aciers. Pour de plus basses températures, on doit prendre des aciers spéciaux contenant tous du nickel. Une addition de 2,25 p. 100 de nickel permet d’utiliser l’acier jusque vers _  60  0C; avec 3,5  p.  100 de nickel, on peut descendre à _  100  0C; avec 9 p. 100 de nickel, la température limite est _  195  0C. Ce dernier acier est employé, en particulier, pour la construction des réservoirs permettant le transport du gaz naturel liquéfié. Pour les températures encore inférieures, on doit avoir recours aux aciers austénitiques chrome-nickel.

10. Aciers à outils

L’acier au carbone non allié demeure encore très employé dans la fabrication des outillages, mais son élaboration doit faire alors l’objet de soins spéciaux. On utilise, suivant les emplois, un acier ayant une teneur en carbone de 0,6 à 1,4 p. 100. Les éléments résiduels doivent être maintenus à une très faible concentration et la grosseur de grain doit être contrôlée. Un tel acier est employé après un traitement thermique comportant une trempe à l’eau depuis une température de l’ordre de 800  0C et un revenu à basse température (de 100 à 150  0C). Dans cet état, l’outil n’est durci que sur une épaisseur de quelques millimètres, son cœur restant relativement tendre et ductile, ce qui évite une trop grande fragilité de l’ensemble.

Un outil préparé dans ces conditions est cependant insuffisant dans beaucoup de cas. Malgré sa dureté, sa résistance à l’usure n’est pas très grande et la faible épaisseur de la couche durcie peut entraîner une mise hors service assez rapide. Par ailleurs, la nécessité d’une trempe très vive entraîne des déformations, voire des ruptures, lorsque l’outil n’a pas une forme simple. Enfin, le métal s’adoucit très rapidement par chauffage, de sorte que l’outil ne résiste pas s’il doit être utilisé à une température un peu élevée (par exemple, au-dessus de 250  0C) ou si les conditions de travail entraînent un dégagement de chaleur provoquant un échauffement de la partie travaillante de l’outil.

Ces inconvénients obligent, dans la majorité des cas, à remplacer l’acier au carbone par un acier allié. Étant donné la diversité des conditions de travail, il existe un très grand nombre d’aciers alliés pour outils, dans lesquels un ou plusieurs éléments d’alliage sont introduits pour pallier les insuffisances de l’acier au carbone.

Deux grandes classes d’aciers à outils peuvent être considérées:

  les aciers pour outils travaillant à froid  ;

  les aciers pour outils travaillant à chaud  ou subissant un échauffement en cours de travail.

Dans chaque classe, des divisions peuvent être faites suivant que l’on met l’accent sur la trempabilité et l’indéformabilité, sur la résistance à l’usure, sur la ténacité ou sur la résistance aux chocs.

Aciers pour travail à froid

Aciers peu déformables

On atténue les déformations en augmentant la trempabilité de l’acier, ce qui permet de remplacer la trempe à l’eau par une trempe moins énergique, à l’huile ou même à l’air, diminuant ainsi les contraintes dues à un refroidissement trop rapide et les déformations qui en résultent. Cette augmentation de trempabilité est très souvent obtenue par l’addition de manganèse.

L’acier type de ce groupe, désigné 80  M  8, a pour composition: carbone, 0,8  p.  100; manganèse, 2,2  p.  100. Il reçoit parfois des additions de chrome (de 0,25 à 1 p. 100 ), de vanadium (0,25 p. 100) ou de tungstène (0,8  p. 100) avec abaissement simultané des teneurs en manganèse jusqu’à 1 p. 100. Ces additions ont pour effet d’améliorer la résistance à l’usure et d’affiner le grain.

Ces aciers se traitent par trempe à l’huile après chauffage à 760-825  0C (suivant la composition) et revenu au-dessous de 200  0C. Ils sont utilisés, en particulier, pour des calibres, jauges, tampons, matrices de découpage, etc. Ils ont une dureté de l’ordre de 60 à 61 RC (dureté Rockwell avec cône de diamant).

Aciers de bonne ductilité

La bonne ductilité est obtenue en diminuant la teneur en carbone et en ajoutant des éléments qui augmentent la capacité de trempe et la résistance au revenu.

Après revenu, la dureté d’emploi est de 50 à 55 RC. Ils ont de nombreuses utilisations dans tous les cas où la résistance aux chocs est primordiale: burins et bouterolles, poinçons, matrices, etc.

Aciers résistant à l’usure

La résistance à l’usure est obtenue essentiellement par une addition de chrome ou de tungstène et, éventuellement, de molybdène et vanadium. On peut distinguer les aciers qui doivent être trempés à l’eau de ceux dont la capacité de trempe a été améliorée et qui peuvent être trempés à l’huile ou même à l’air.

L’acier 100 C  6 est un des plus utilisés, en particulier pour la fabrication des roulements à billes ou à aiguilles et de nombreux outils. Mais son élaboration exige de grandes précautions.

L’acier à 12 p. 100 de chrome, avec ou sans addition de molybdène et vanadium (et, éventuellement, de cobalt), est un des aciers à outils les plus employés, en particulier pour des outillages à découper, des matrices, poinçons, filières, etc. Mais il doit se tremper à température relativement élevée, de l’ordre de 1  000  0C, pour atteindre sa pleine dureté. Aux températures supérieures, la dureté baisse par suite de la présence d’austénite résiduelle.

Aciers pour travail à chaud

Aciers de bonne ductilité

Ce sont des aciers moyennement alliés et de teneur en carbone de 0,3 à 0,5 p. 100. Ils contiennent du molybdène, du tungstène ou du vanadium qui donnent une bonne résistance à l’échauffement; les quantités de ces éléments ne sont pas suffisantes pour entraîner la fragilité.

Ces aciers sont très couramment employés pour la fabrication de matrices pour forgeage à chaud et pour des outillages de filage des métaux non ferreux.

Aciers de ductilité moyenne

Ces aciers, plus chargés que les précédents en éléments d’alliage, ont une dureté à chaud plus grande; mais ils sont un peu plus sensibles aux chocs. Ils conviennent pour le travail à des températures plus élevées. Leur dureté après trempe et revenu à 550  0C est de l’ordre de 50 à 55 RC. Ils peuvent être trempés à l’huile ou, pour certains, à l’air.

Aciers résistant à l’usure. Aciers à coupe rapide

Ces aciers doivent être considérés comme travaillant à chaud par suite de l’échauffement produit par le frottement du copeau sur l’arête de l’outil de coupe. La température atteint alors, et peut dépasser, 500  0C. Des additions de tungstène, molybdène et vanadium leur donnent à la fois la résistance à l’échauffement et, par la formation de carbures très durs, la résistance à l’usure. Une addition de chrome assure une bonne trempabilité. Dans certains de ces aciers, une addition de cobalt améliore la dureté à chaud.

Ils ont tous une structure à "lédeburite", c’est-à-dire qu’à température élevée ils contiennent des carbures insolubles. Ce sont ces carbures, auxquels s’ajoutent ceux qui sont précipités au cours du revenu, qui assurent la résistance à l’usure. Ils peuvent être trempés à l’huile ou à l’air, mais après un chauffage à température très élevée, de 1  200 à 1  300  0C suivant la nuance. Le revenu se fait entre 550 et 600  0C.

D’une façon générale, on cherche toujours à accroître les propriétés de dureté, de ténacité et de résistance à l’usure de tous ces aciers. Deux voies sont actuellement suivies:

  la métallurgie des poudres préalliées; celles-ci sont obtenues par atomisation de métal liquide; la solidification rapide produit des particules de très faible dimension qui, après frittage, conduisent à des structures à grains et à carbures très fins;

  les revêtements de surface de composés très durs, en particulier à partir de procédés de dépôts par voie physique.

11. Aciers inoxydables

Il existe une assez large gamme d’aciers dits inoxydables: les plus alliés peuvent résister à l’attaque par des réactifs très sévères, tels que les acides chlorhydrique ou nitrique concentrés.

Le chrome est l’élément d’alliage essentiel de tous ces aciers et c’est lui qui leur attribue leur caractère inoxydable. D’autres éléments, comme le nickel et le molybdène, agissent sur la structure, tandis que le titane ou le niobium évitent certaines formes particulières d’attaque.

Les aciers inoxydables ont de très nombreux emplois non seulement dans l’industrie chimique mais encore dans tous les domaines de l’activité humaine: transports (chemin de fer, automobile, aéronautique), industrie nucléaire, construction, appareils ménagers notamment.

Différents types d’aciers inoxydables

Suivant les teneurs en divers éléments d’alliage, on distingue divers types d’aciers inoxydables, essentiellement en fonction de leur structure.

Les aciers martensitiques  contiennent de 12 à 16 p. 100 ou de 16 à 20 p. 100 de chrome avec addition de 2 à 4 p. 100 de nickel. Les teneurs en carbone vont de moins de 0,1  p.  100 à 1 p. 100. Comme pour les aciers moins alliés, leur structure se modifie au-delà d’une certaine température et devient alors austénitique. Lors du refroidissement, cette austénite se transforme en martensite: l’acier prend la trempe. Dans cet état, il est plus ou moins dur suivant sa teneur en carbone. Un revenu est généralement fait, après la trempe, pour améliorer la ductilité. Ces aciers ont alors une résistance mécanique (charge de rupture) supérieure à 800  mégapascals et qui peut être beaucoup plus élevée pour les aciers très carburés, mais aux dépens de la ductilité. Ajoutons qu’en raison de leur teneur en chrome ces aciers ont une forte trempabilité.

Ces aciers sont souvent choisis autant pour leurs propriétés mécaniques que pour leur résistance à la corrosion. Ils ne sont pas altérés par un certain nombre de réactifs: eau et sa vapeur, air, acides faibles, solutions de sels neutres... Au-delà d’un pourcentage de 16  p.  100 de chrome (avec du nickel), ils résistent dans l’eau de mer et les atmosphères marines. Ils sont employés, en particulier, dans les aubages de turbines à vapeur, pour des pièces mécaniques en coutellerie et pour les instruments de chirurgie.

Les aciers ferritiques  contiennent de 15 à 30  p. 100 de chrome. Leur structure reste celle du fer a à toutes les températures. Ces aciers ne peuvent donc pas devenir martensitiques par chauffage et refroidissement. Leurs caractéristiques mécaniques sont beaucoup moins favorables que celles du groupe précédent. En outre, ils sont sensibles à des "fragilisations" lorsqu’ils sont chauffés dans certaines zones de température. Il en résulte des difficultés de mise en œuvre, en particulier pour le soudage.

En revanche, leur résistance à la corrosion est très améliorée. Ils se comportent bien dans l’acide nitrique dilué (2HNO3, 3H2O) jusqu’à 60 à 70  0C, dans certains acides organiques, au contact des produits alimentaires, dans les atmosphères rurales et urbaines, dans l’eau de mer non stagnante. Des alliages à 15-18  p.  100 de chrome sont employés en particulier pour la décoration et la fabrication des ustensiles ménagers. De leur côté, les aciers à 25-30  p.  100 de chrome résistent bien à l’oxydation et à la sulfuration à haute température, ce qui conditionne leurs principaux emplois.

Les aciers austénitiques  doivent leur structure à la présence d’au moins 8 p. 100 de nickel à côté de 18 à 20 p. 100 de chrome. Comme les aciers ferritiques, ils n’ont pas de point de transformation et leurs propriétés mécaniques ne peuvent pas être améliorées par un traitement de trempe. En revanche, ils ne sont pas sensibles aux mêmes phénomènes de fragilisation et sont parfaitement soudables.

Le type le plus courant contient 18 p. 100 de chrome avec 10 p. 100 de nickel (acier dit 18-10). On en distingue trois nuances ayant respectivement des teneurs en carbone inférieures à 0,12, 0,05 et 0,03 p. 100. Des variantes contiennent des additions de titane ou de niobium pour combattre la sensibilité à certains types de corrosion, de soufre ou de sélénium pour faciliter l’usinage.

Dérivé du précédent, un acier austénitique contient 18 p. 100 de chrome avec 10 à 12  p.  100 de nickel et 2 à 3 p. 100 de molybdène (acier dit 18-10-Mo). L’addition de ce dernier élément améliore la résistance à la corrosion, en particulier en présence d’acide sulfurique, de chlorures et d’acides organiques.

On peut encore apporter une amélioration grâce à des quantités plus importantes d’éléments d’alliage. Un type, maintenant assez courant, contient 20 p. 100 de chrome, 25 p. 100 de nickel, 4,5 p. 100 de molybdène et 1,5 p. 100 de cuivre avec une très basse teneur en carbone (inférieure à 0,02 p. 100) ou une addition de niobium ou de titane (acier dit 20-25-Mo-Cu). Il en existe, là aussi, plusieurs variantes. Le domaine d’utilisation est très élargi dans les acides sulfurique et chlorhydrique.

Ces aciers et leurs variantes sont les plus employés. Il en existe bien d’autres, adaptés à des cas particuliers. Certains sont de véritables alliages où le fer ne joue plus de rôle.

À l’exception des aciers martensitiques, dont la résistance à la corrosion est souvent insuffisante, les aciers ferritiques et austénitiques ont des limites élastiques et des charges de rupture relativement faibles. Cela a conduit à la création d’aciers inoxydables  dits à durcissement structural  . Dans une structure martensitique ou austénitique, la présence de certains éléments –  titane, niobium ou aluminium, par exemple  – permet de provoquer une précipitation de carbures ou de composés intermétalliques qui entraîne un durcissement parfois considérable. Des limites élastiques atteignant 1  500  mégapascals peuvent être obtenues avec des aciers dont la résistance à la corrosion n’est pas très inférieure à celle des aciers du type 18-10. Les aciers suivants appartiennent à ce groupe: Z 8 CNT 17-7, Z 5 CNU 17-4, Z  7  CNA  17-7,  Z  10  CND  17-4, Z 12 CND 15-4, Z 8 CND 15-7. Après traitement de durcissement, ils ont tous une structure martensitique, magnétique. Pour certaines applications, l’amagnétisme est souhaitable. On doit alors avoir une structure austénitique, dans laquelle le durcissement est également obtenu par des précipitations. On peut obtenir une limite élastique de 900  mégapascals, tandis que celle des aciers austénitiques du type 18-10 dépasse rarement 250  mégapascals, à moins qu’ils n’aient été écrouis.

Corrosion des aciers inoxydables

Malgré leur résistance dans de nombreux milieux "agressifs", les aciers inoxydables peuvent être sensibles à certaines formes de corrosion, qu’il est important de connaître.

L’une des plus importantes est la corrosion intergranulaire  , qui peut provoquer une véritable désagrégation du métal par suite de l’attaque sélective des espaces entre les grains. À la suite de certains traitements thermiques, une précipitation de carbure de chrome entraîne un appauvrissement local en chrome au-dessous de la teneur nécessaire pour assurer la protection.

Des maintiens, même très courts, entre 400 et 800  0C rendent l’acier sensible à cette attaque particulière: c’est ce qui peut se passer, par exemple, dans les zones voisines d’un cordon de soudure. En revanche, cette attaque ne se produit pas lorsque l’acier a été refroidi rapidement depuis une température supérieure à 1  100  0C. Lorsqu’un tel traitement thermique n’est pas possible, on doit utiliser des nuances spéciales dans lesquelles la précipitation du carbure de chrome ne se produit pas en raison d’une très faible teneur en carbone, ou par suite de la fixation du carbone par un élément ayant une très grande affinité pour lui, titane ou niobium le plus souvent.

La corrosion par piqûres  est une attaque très localisée provoquée par les réactifs chlorurés. Elle ne se produit pas ou elle est très atténuée avec les aciers austénitiques contenant du molybdène.

La corrosion sous tension  se manifeste par la rupture de l’acier soumis simultanément à une contrainte mécanique d’extension et à une attaque chimique. Cette corrosion se produit essentiellement en présence de chlorures et il suffit parfois de quantités extrêmement faibles pour qu’elle apparaisse. L’élimination des contraintes et l’augmentation de la teneur en nickel jusqu’au-delà de 40 p. 100 constituent de bons remèdes contre cette attaque. L’addition de silicium (de 3 à 4  p.  100) est efficace dans beaucoup de cas.

On constate également la cavitation  et l’effet combiné de la fatigue et de la corrosion  dans certaines conditions d’utilisation des aciers inoxydables.

Résistance des aciers inoxydables dans divers milieux

Dans l’air, une teneur en chrome d’au moins 17 p. 100 est nécessaire, mais, dans les atmosphères industrielles et marines, il faut utiliser les aciers du type 18-10-Mo. Dans l’eau et la vapeur, les aciers martensitiques à 13 p. 100 de chrome résistent bien. Mais dans l’eau ou la vapeur surchauffée, on doit prendre un acier 18-10. Dans l’eau de mer, seuls les aciers 18-10-Mo résistent dans toutes les conditions.

Dans l’acide sulfurique, on utilisera les aciers 18-8-Mo ou 20-25-Mo-Cu selon la concentration et la température. L’acier à 17  p. 100 de chrome convient pour l’acide nitrique jusqu’à 65 p. 100 de concentration et 120  0C. Au-delà, on utilise des aciers du type 25-20 ou, dans certains cas, des aciers contenant de 3 à 4 p. 100 de silicium. Dans l’acide chlorhydrique, on pourra employer les aciers 20-25-Mo-Cu dans certaines limites. Dans les autres acides minéraux ou organiques, on choisira entre 18-10, 18-10-Mo et 20-25-Mo-Cu suivant la température et la concentration; il est rare qu’une solution ne puisse être trouvée avec l’un de ces trois aciers (ou leurs dérivés). Nous en dirons autant des solutions salines, les plus actives étant celles qui contiennent des chlorures ou celles qui sont facilement hydrolysables.

Aux températures élevées, les problèmes sont un peu différents parce que le métal doit non seulement résister aux attaques chimiques par l’air ou les gaz de combustion, mais encore ne pas subir de déformations prohibitives: c’est alors le domaine d’un autre groupe d’aciers dits réfractaires  .

12. Aciers réfractaires

Lorsque les aciers sont maintenus sous charge pendant des temps assez longs, on constate une déformation progressive du métal. Ce phénomène de viscosité, appelé fluage  , est nul ou négligeable à la température ambiante ou aux températures peu élevées, inférieures par exemple à 300  0C. Mais il faut en tenir compte aux températures supérieures, car son importance croît lorsque la température augmente. Pour un acier donné et à une température donnée, la vitesse de déformation, dite vitesse de fluage  , d’abord grande, diminue assez vite, puis reste constante pendant un temps plus ou moins long. Elle croît ensuite jusqu’à aboutir à la rupture du métal.

Ces observations ont conduit, pour les emplois aux températures élevées, à rechercher des aciers dont la vitesse de fluage soit aussi faible que possible, compatible, en tout cas, avec les déformations admissibles pour la machine ou le matériel. Une classe d’aciers a été créée, celle des aciers réfractaires.

Les aciers réfractaires sont caractérisés, pour chaque température et chaque charge, soit par la vitesse de fluage pendant la période où elle est constante, soit par la déformation maximale au bout d’un temps donné, soit par le temps écoulé jusqu’à la rupture. Très souvent, on exige que dans des conditions données le métal ne subisse pas un allongement supérieur à x  p. 100 (0,1 ou 1 p. 100 par exemple) au bout de mille, dix mille ou cent mille heures.

Pour les températures dépassant 500  0C, une autre considération doit intervenir: la résistance à l’oxydation par l’air. Ce résultat est obtenu grâce à des additions de chrome qui, d’ailleurs, améliorent aussi la résistance au fluage.

Les aciers réfractaires sont classés suivant le domaine de température dans lequel ils peuvent être utilisés.

Jusqu’à 400  0C, les aciers au carbone non alliés conviennent mais il faut tenir compte, dans les calculs, de la réduction de la limite élastique. Celle-ci, par exemple, passe, pour un acier donné, de 350  mégapascals à la température ordinaire à 180  mégapascals à 400  0C: soit une réduction de 50 p. 100. Les phénomènes de fluage sont encore peu sensibles. À partir de 400  0C, au contraire, ceux-ci deviennent prépondérants et on doit rechercher des aciers alliés.

Jusqu’à 500  0C, éventuellement 550  0C, on utilise des aciers relativement peu alliés.Ils sont utilisés notamment pour les appareils à pression fonctionnant à chaud, comme les chaudières ou les tubes et tuyauteries.

D’autres aciers, contenant à la fois du chrome, du molybdène et du vanadium (1-1-0,2  p.  100 ou 1,25-0,5-0,2  p.  100) sont également utilisés pour les mêmes emplois mais surtout pour de grosses pièces de forge (rotors de turbines ou de compresseurs), pour la boulonnerie à chaud, etc. Pour tous ces aciers, la limite d’emploi est 550  0C. Mais, déjà à cette température, l’oxydation par l’air, la vapeur ou les gaz de combustion devient prohibitive pour les emplois de très longue durée. On doit recourir à des aciers à plus forte teneur en chrome.

De 550  0C à 600  0C, on utilise des aciers à 5 p. 100 ou à 12 p. 100 de chrome. L’acier à 5 p. 100 de chrome, avec généralement des additions de molybdène et de vanadium, est utilisé dans l’industrie pétrolière: il résiste très bien à l’hydrogène et aux hydrocarbures sous pression. À 550  0C, la charge de rupture au bout de 100  000  heures varie de 60 à 100  mégapascals suivant la composition et le traitement thermique. Les aciers à 12  p.  100 de chrome, avec des additions de tungstène, molybdène, vanadium, niobium, résistent à l’oxydation jusqu’à 650  0C et sont couramment utilisés dans le domaine 550-600  0C. Leurs caractéristiques (vitesse de fluage ou charge de rupture) sont nettement plus élevées que celles des aciers précédents. La charge de rupture au bout de 100  000  heures est de 150 à 200  mégapascals à 550  0C et de l’ordre de 100  mégapascals à 600  0C. C’est dire qu’ils peuvent permettre, à égalité de sollicitations, une augmentation de température de l’ordre de 50  0C, ce qui a une grande influence sur le rendement des machines.

Au-delà de 600  0C et jusqu’à 700  0C, on utilise des aciers austénitiques du type 18-10 avec des additions de molybdène, titane, niobium pour améliorer les caractéristiques de fluage. Il est alors nécessaire d’augmenter la teneur en nickel jusqu’à 12 p. 100 et 15 p. 100 pour que l’acier garde une structure purement austénitique, sans ferrite d qui donnerait des risques de fragilisation par maintien prolongé à 650  0C ou 700  0C. Les caractéristiques de fluage varient beaucoup d’une fabrication à l’autre: elles sont, en effet, très sensibles à l’action de très petites quantités d’oligo-éléments, et, par suite, aux détails du mode d’élaboration. À titre indicatif, nous signalerons que, pour les aciers du type 18-10 au molybdène, la charge de rupture au bout de 100  000  heures à 650  0C est de l’ordre de 80 à 100  mégapascals. Par exemple, à partir de 700  0C, les aciers austénitiques ne sont plus suffisants pour la construction des turbines à gaz ou des turboréacteurs ou même pour les turbines à vapeur.

On dispose alors de superalliages  qui peuvent être utilisés jusqu’au-delà de 900  0C. Ces alliages doivent leur rigidité à chaud à la précipitation de carbures ou de composés intermétalliques dans une matrice constituée par une austénite fer-chrome-nickel, et éventuellement du cobalt. Dans certains de ces alliages, la base est le nickel ou le cobalt. Les éléments provoquant les précipitations durcissantes sont très souvent le molybdène, le titane, le niobium, l’aluminium. Ces superalliages sont très nombreux et il en apparaît toujours de nouveaux. Leurs caractéristiques à chaud dépendent souvent du mode d’élaboration, et la fusion sous vide, en particulier, a entraîné de très sensibles progrès et permis la préparation d’alliages comportant des éléments résistant mal aux procédés d’élaboration habituels.

Pour fixer les idées et mesurer le chemin parcouru, notons que le meilleur des superalliages admet à 925  0C la même charge de rupture au bout de 1  000 heures qu’un acier 18-10 à 650  0C.

Au-delà de 950  0C, on ne peut plus envisager des matériaux de ce type. On entre dans le domaine des céramiques ou des métaux à haut point de fusion, comme le molybdène.

Tout ce qui précède se rapporte au cas où le métal soumis aux températures élevées doit supporter également des contraintes mécaniques. Dans bien des cas, seule importe la résistance aux altérations chimiques par l’air, les gaz de combustion ou des atmosphères diverses. On dispose alors d’une gamme d’aciers contenant du chrome (de 18 à 30  p.  100) provoquant la résistance à l’oxydation, et très souvent du nickel, dont la teneur peut atteindre 80 p. 100. Nous citerons les aciers:

  à 17 p. 100 de chrome, sans nickel, résistant jusqu’à 850-900  0C;

  à 27 à 30 p. 100 de chrome, sans nickel, résistant jusqu’à 1  150  0C;

  au chrome-aluminium, résistant de 800 à 1  300  0C suivant la composition;

  au chrome-nickel (20-10  p.  100), résistant jusqu’à 850-900  0C;

  au chrome-nickel (25-12 ou 25-20  p.  100), résistant jusqu’à 1  150  0C;

  ainsi que des alliages plus riches en nickel, soit 35 p. 100 de nickel et 20 p. 100 de chrome, ou 60 p. 100 de nickel et 15 p. 100 de chrome, ou 80 p. 100 de nickel et 20 p.  100 de chrome. Pour ce dernier, la résistance à l’oxydation est satisfaisante jusqu’à 1  250  0C.

Ces températures limites peuvent d’ailleurs varier suivant la nature des gaz. Dans le cas des aciers contenant du nickel, elles sont, par exemple, abaissées de 200  0C par la présence de soufre dans les gaz.

13. Aciers à aimants

Lorsqu’un corps ferromagnétique est placé dans un champ magnétique, il s’aimante parallèlement à ce champ. L’aimantation qu’il acquiert ainsi peut disparaître lorsque le champ est supprimé ou, au contraire, persister plus ou moins complètement. Le corps est alors dit "magnétiquement dur" et, si la persistance du champ est suffisante, il constitue un aimant permanent  . Certains aciers à trempe martensitique, à teneur en carbone suffisamment élevée, entrent dans cette catégorie: ce sont des aciers au chrome, au tungstène et surtout au chrome-cobalt. À côté de ces aciers proprement dits, dont les emplois sont de plus en plus restreints, se sont développés des alliages nickel-aluminium-cobalt qui doivent leur dureté magnétique à la précipitation de composés intermétalliques. Ils constituent maintenant les matériaux les plus utilisés pour la confection –  par moulage ou par frittage –  des aimants permanents. Des alliages spéciaux et des matériaux non métalliques sont utilisés dans des cas particuliers ou pour des emplois de laboratoire.