La Forge industrielle:

FORGEAGE:

Terme générique utilisé pour définir un ensemble d'opérations de mise en forme des matériaux, le forgeage permet la production de pièces mécaniques ébauchées ou finies dont les hautes caractéristiques sont très recherchées. Cette mise en forme s'effectue à chaud ou à froid, mais toujours dans le domaine de déformation plastique, c'est-à-dire en exerçant un effort supérieur à la limite élastique du matériau. Les phénomènes physiques mis en jeu se retrouvent tous plus ou moins intimement associés. Les deux grandeurs caractéristiques - le champ de vitesse Á et le champ de contrainte Ä - résultent, du fait des équations de la plasticité, de quatre paramètres : la géométrie et la cinématique de l'outillage ; la rhéologie du corps en déformation ; les interactions superficielles entre le corps en cours de façonnement et les outils (frottements) ; la ductilité du corps déformé.

Les techniques de forgeage

Du point de vue industriel, le forgeage comporte cinq techniques dérivées.

La forge par estampage consiste à former, après chauffage, des pièces brutes par pression entre deux blocs - les matrices - portant en creux la forme exacte du produit à réaliser. Cette technique de fabrication suppose l'exécution préalable d'outillages spécifiques aux produits à confectionner. Elle n'est donc utilisée que lorsque le nombre de pièces à produire est assez élevé. Elle permet d'obtenir une précision dimensionnelle plus grande qu'avec les autres procédés de forgeage et le formage du produit à grande vitesse a pour effet d'ennoblir au maximum le métal par l'affinage de son grain. La masse des pièces ainsi produites ne dépasse pas, en général, 250 kilogrammes pour l'acier, mais, dans certains cas exceptionnels et avec des outillages appropriés, on atteint des masses de l'ordre d'une tonne.

La forge par matriçage consiste, comme l'estampage, à former après chauffage des pièces brutes réalisées en alliages non ferreux tels que les alliages d'aluminium, de cuivre, de titane, de nickel, etc.

La forge par extrusion , procédé plus récent, repose sur le même principe que l'estampage, mais elle est conduite à froid. À la température ambiante, on contraint le matériau à remplir complètement la forme en creux d'une matrice grâce à une très forte pression exercée sur un poinçon. Ce procédé donne des pièces aux formes encore plus précises que celles qui sont réalisées avec les deux premiers procédés et présentant des états de surface excellents, ce qui permet souvent de les utiliser sans usinage complémentaire. La masse moyenne des pièces extrudées est de l'ordre d'un kilogramme.

La forge libre est la plus ancienne des techniques de forgeage. Elle permet d'obtenir à chaud des ébauches ou des pièces mécaniques brutes dont la forme est atteinte au terme d'un nombre plus ou moins grand de transformations successives. Ne nécessitant pas d'outillages spécifiques, cette technique est appliquée lorsqu'il s'agit de produire, dans des délais parfois courts, des pièces à l'unité ou en très petites séries. Ces ébauches peuvent avoir des dimensions importantes et atteindre une masse de plusieurs tonnes.

La forge par laminage et par bigornage permet d'obtenir des couronnes en tous matériaux. En laminage, ces couronnes peuvent avoir un profil rectiligne ou un profil d'une forme quelconque, soit intérieur, soit extérieur, soit les deux à la fois. Le diamètre des couronnes varie de quelques centimètres à une dizaine de mètres au maximum. Des couronnes peuvent aussi être obtenues par bigornage dans certains cas de profil droit et pour de faibles séries.

Les machines

Les engins de fabrication agissent selon deux principes distincts : le choc ou la pression.

Les engins de choc sont classés en trois familles selon l'énergie totale dont ils disposent.

Dans les moutons, la masse tombante est relevée par un système mécanique (chaîne, courroie, planche, etc.) ; cette masse tombe ensuite sous le simple effet de la gravité. Les énergies disponibles varient de 5 000 à 50 000 joules.

Dans les marteaux-pilons, la masse tombante est relevée comme celle des moutons, mais elle s'en différencie par le fait qu'elle est projetée ensuite vers le bas par l'action mécanique due à la détente d'un gaz. Il y a donc un double effet : gravité plus poussée. Les énergies disponibles varient de 30 000 à 35 000 joules.

Dans les marteaux à contre-frappe, une liaison mécanique ou hydraulique est établie entre la masse supérieur m et la masse inférieure mH , qui est mobile. La détente d'un gaz dans une chambre projette les deux masses l'une vers l'autre selon l'équation d'équilibre m v = mH vH , où v et vH sont les vitesses respectives des masses m et mH . Ces engins, qui sont ainsi équilibrés mécaniquement, nécessitent des fondations de génie civil moins importantes que les engins à double effet similaires. Les énergies disponibles varient de 150 000 à 800 000 joules.

On trouve des engins de choc surtout en forge libre et en forge par estampage.
 

Marteau Pilon
Martinet
Les engins de pression mettent à profit trois principes.

Les presses mécaniques, dont l'axe est vertical ou horizontal selon les constructeurs, comportent un coulisseau mû par un système bielle-manivelle. Le villebrequin est entraîné par embrayage sur un volant d'inertie qui est mis en rotation par le moteur. À chaque " coup ", l'énergie nécessaire à la déformation est donc empruntée au volant d'inertie. Malgré cet aspect, les constructeurs continuent à classer leurs engins d'après leur force, exprimée en tonnes-force. Les valeurs correspondantes représentent en fait la limite de l'effort au-delà de laquelle le bâti de la presse risque de subir une déformation élastique. Les forces des machines varient de 5 000 à 120 000 kilonewtons (de 500 à 12 000 tonnes-force).

Les presses hydrauliques opèrent par la descente d'un piston mû hydrauliquement dans une chambre. Pour les petites machines, l'ensemble actionneur est situé au-dessus des enclumes ; pour les engins plus importants, l'action est inversée, c'est-à-dire que les organes de commande sont situés au-dessous du sol. Cette conception se traduit par un faible encombrement au-dessus du sol. Le centre de gravité de la machine étant bas, les efforts latéraux sont faibles, ce qui assure une meilleure rigidité de l'ensemble. Quelle que soit la taille de la presse, le mouvement de rapprochement des enclumes s'accomplit très lentement. De ce fait, l'usage des presses hydrauliques est réservé, en forge libre, pour la production de grosses pièces ou, en sidérurgie, pour la transformation de lingots en barres, et, en forge par matriçage, pour la déformation de matériaux tels que des alliages légers, en particulier ceux qui exigent une déformation lente. Ces conditions interdisent son usage en forge par estampage d'acier. Les forces nominales disponibles varient de 5 000 à 25 000 kilonewtons (de 500 à 2 500 tonnes-force) pour les presses à deux colonnes et de 25 000 à 160 000 kilonewtons (de 2 500 à 16 000 tonnes-force) pour les presses à quatre colonnes. Au-delà, il faut noter la présence en France, à Issoire, de la plus grosse presse hydraulique du monde occidental : 650 000 kilonewtons (65 000 tonnes-force).

Les presses à vis sont des machines constituées d'un bâti monobloc ayant à sa partie supérieure un écrou fixe. Une vis entraînée en rotation par l'intermédiaire d'un vérin à double effet transforme son mouvement circulaire en un mouvement rectiligne, déplaçant ainsi le coulisseau. Ces machines cumulent les avantages des engins de choc et des engins de pression. Elles sont utilisées en forge par estampage et en forge par extrusion. Les forces nominales varient de 500 à 63 000 kilonewtons (de 50 à 6 300 tonnes-force).

Les laminoirs à couronne comportent un socle dans lequel se trouve le rouleau principal, qui est entraîné par un moteur à courant continu. Un bras escamotable assure le guidage du mandrin pendant le travail. L'opération de forge par laminage consiste à transformer le lopin cylindrique percé, qui est l'ébauche de départ, en une bague ou couronne de plus grand diamètre mais de même volume. Les caractéristiques des machines utilisées s'expriment plutôt en capacité de diamètre maximal qu'en force de forgeage. Avec des laminoirs automatiques, on peut produire en grandes séries des couronnes de roulements, à billes ou à aiguilles, dont le diamètre varie de 50 à 250 millimètres. Avec des laminoirs semi-automatiques, on peut produire des couronnes d'orientation dont le diamètre atteint 7 mètres. En forge par estampage, le choix de l'engin optimal entre les engins de pression et les engins de choc s'effectue en fonction de considérations économiques, souvent liées à la quantité de pièces à produire. En pratique, toutes les pièces mécaniques en acier d'une masse inférieure à 100 kilogrammes peuvent être fabriquées indifféremment sur l'un ou l'autre de ces engins.

Aspects métallurgiques

Le métal utilisé par le forgeron possède avant déformation des caractéristiques mécaniques conformes à celles que stipulent les normes de produit. Quelle que soit l'opération de forgeage qu'il subit, ce métal, après déformation, se trouve corroyé. Pendant la déformation, si une dimension géométrique diminue, les deux autres augmentent, à cause de l'invariabilité du volume. Par définition, on appelle taux de corroyage (T ) le rapport section initiale (S ) sur section finale (S ) du produit obtenu : T = S /S . L'accroissement du taux de corroyage améliore certaines propriétés mécaniques des matériaux, mais en amoindrit d'autres. Ces évolutions varient aussi avec la direction du corroyage : l'orientation de ce dernier permet de distinguer une direction longitudinale et deux directions transversales selon la forme du demi-produit.

Quel que soit le procédé qui est utilisé pour la mise en forme du matériel, le forgeron doit orienter les fibres préexistantes dans le sens qui est le plus adapté aux besoins fonctionnels de la pièce. Ce " fibrage " rationnel constitue un des avantages principaux du forgeage.

 
La Forge Artisanale
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